Il y a 80 ans, le 23 novembre 1944, la 2e division blindée du général Leclerc entrait dans Strasbourg. A l'issue d'une offensive éclair, la 2e DB libérait la ville des Allemands qui l'occupaient depuis juin 1940. Ce n'était pas la fin de la guerre en Alsace, puisque la poche de Colmar ne sera prise qu'en février 1945, mais un symbole très fort de la reconquête de la France par ses soldats, appuyés par les armées alliées.Ce samedi, pour les 80 ans de cette libération, une commémoration nationale s'est tenue à Strasbourg, en présence d'Emmanuel Macron. Le président de la République se rend dans l'après-midi sur le site du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, puis au Mémorial d'Alsace-Moselle.
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L'essentiel
- Le programme d'Emmanuel Macrona commencé par une cérémonie de commémoration place Broglie, où se trouve le monument-hommage à Leclerc et à la 2e DB.
- Au Palais universitaire, Emmanuel Macron a parlé de la "tragédie" des Malgré-Nous qui "doit être nommé, reconnue et enseignée".
- Le chef de l'Etat a aussi annoncé qu'il feraitentrer au Panthéon l'historien et résistant Marc Bloch.
- Plus qu'une délivrance pour ses habitants, la Libération de Strasbourg est une victoire symbolique et l'accomplissement duserment fait par Leclerc à Koufraen mars 1941.
Marc Bloch entrera au Panthéon
Emmanuel Macron annonce son intention defaire entrer au Panthéon l'historien et résistant Marc Bloch, dans l'aula du Palais universitaire qui porte son nom. Né à Lyon, cet universitaire qui a révolutionné la recherche historique a enseigné une quinzaine d'années à Strasbourg. Résistant, il a été arrêté, torturé et fusillé par les nazis en 1944.
'"Pour son œuvre, son enseignement et son courage, nous décidons que [l'historien] Marc Bloch entrera au Panthéon", a annoncé sous les applaudissements Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron:l'incorporation de force, "un crime de guerre"
Dans son discours, Emmanuel Macron a d'abord évoqué le serment de Koufra et la promesse de hisser le drapeau français à la cime de la cathédrale de Strasbourg: "L’affront et la souffrance effacée par cette flèche tricolore traversant le ciel d’Alsace".
Puis, le président de la République est revenu sur l'incorporation de force, imposée par les nazis aux Alsaciens et aux Mosellans."Un crime de guerre", pour Emmanuel Macron, qui a reprisles mots déjà prononcés en 2010 par Nicolas Sarkozyà Colmar.Ils "vécurent un supplice", "40.000 moururent dans les combats ou en captivité,habillés d'un uniforme détesté, instrument d'un crime qui les tuait".
"Il nous faut reconnaitre les souffrances qu’ils subirent", a insisté Emmanuel Macron, "cette tragédie doit être nommé, reconnue, enseignée car elle celle de notre nation". Un enseignement qui entrera obligatoirement dans le programme des classes de 3e et de Terminale, ont précisé les services de l'Elysée.
Le sort des Malgré-Nous au coeur des commémorations
En Alsace, de nombreuses voix s'élèvent pour que la commémoration des 80 ans de la Libération de Strasbourg permette aussi de reconnaître solennellement le sort des 130.000 incorporés de force alsaciens et mosellans. Ces Malgré-Nous ont été contraints d'entrer dans la Wehrmacht, sous peine de représailles sur leurs familles. La maire de Strasbourg a d'ailleurs déclaré dans son discours qu'il était "temps de reconnaître la place singulière de l'Alsace et de la Moselle" dans l'histoire de France.
Jean-Marie Hostert, 99 ans, est le seul ancien Malgré-Nous présent à la cérémonie de ce samedi. En août 1942, quand l'obligation est tombée, il avait déjàun frère aîné qui était parti en France et la famille avait déjà été perquisitionnée. "J'avais deux solutions", raconteJean-Marie Hostert à Timour Östürk, "ou je partais en France rejoindre mon frère, mais j'ai voulu rester à cause de mes parents. Je ne voulais pas qu'ils subissent les représailles qui étaient prévues pour les Insoumis". Envoyé en Pologne, puis en Italie dans une station radar, il se sauve."Je suis un miraculé", ajoute-t-il
"On ne voulait pas y aller", insiste Jean-Marie Hostert, "on a tout essayé, mais ils étaient tellement difficiles pour expulser les parents. C'est une chose qui est mal comprise maintenant. Mais c'était un problème de protection de ma famille".
L'hommage au général Leclerc et aux vétérans place Broglie
Arrivé avec un quart d'heure de retard, Emmanuel Macron a passé en revue les troupes, dont la plupart sont issues de la 2e brigade blindée, qui a succédé à la 2e DB de Leclerc. Dans un silence impressionnant, le chef de l'État a déposé une gerbe devant la colonne d'hommage au général Leclerc, puis la Marseillaise a été chantée par le chœur de l'Opéra du Rhin. A l'issue de cette cérémonie, les cloches de la cathédrale ont résonné.
Le chef de l'État a remis la Légion d'honneur à quatre vétérans:Jacques Gouvier a participé au débarquement de Provence le 15 août 1944,Jean Thouvenin, engagé volontaire à l’âge de 18 ans, il a participé à la libération d’Alsace près de Colmar,René Suk, résistant mosellan, etCamille Schelling, engagé à l'âge de 16 ans dans les FFI de Strasbourg-Cronenbourg.
Le drapeau tricolore flotte sur la cathédrale
C'est l'un des symboles forts de la commémoration: le drapeau français a été hissé sur la flèche de la cathédrale de Strasbourg. Le général Leclerc en avait fait le serment en mars 1941, à Koufra, dans le désert de Libye. A la tête d'un embryon d'armée, il avait repris aux Italiens un fort. Ce fut la première victoire de la France libre et Leclerc a prononcé ce serment: "Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs flotteront à nouveau sur la Cathédrale de Strasbourg!"
Le 23 novembre 1944, en début d'après-midi,le spahi Maurice Lebrunest monté à 142 mètres pour accrocher le drapeau tricolore au sommet de la cathédrale. Un drapeau fabriqué à la hâte par une charcutière de la place Saint-Etienne, avec des fragments d'un tablier, d'un drap et d'un drapeau nazi. Décédé en 2009, Maurice Lebrun avait assisté aux commémorations des 60 ans à Strasbourg.
Les anciens combattants à l'honneur
Outre le public et les militaires réunis place Broglie, des anciens combattants sont présents. Ils sont bien-sûr très âgés et c’est une ultime occasion pour eux d'assister à cette commémoration nationale. Quatre vétérans vont recevoir aujourd'hui la Légion d'honneur des mains d'Emmanuel Macron: des anciens de la 1re Armée française (qui a libéré Mulhouse) et d'anciens résistants alsaciens et mosellans.
Dix autres anciens ont été invités à la cérémonie de la place Broglie, dont Jean Ferrazi, dernier libérateur de Strasbourg, ou-Jean-Marie Hostert, ancien incorporé de force dans l’armée allemande.
Une cérémonie solennelle place Broglie
Deuxième étape des commémorations, la cérémonie place Broglie où est installé le monument en hommage au général Leclerc dont la 2e DB a libéré Strasbourg. Douzeunités militaires et 20 jeunes du Service national universel y participent. Le public pouvait y assister sur inscription. Il y a environ 200 personnes et l'ambiance est recueillie.
La maire de Strasbourg au monument aux morts pour un nouveau serment
Première étape de la commémoration des 80 ans, placede la République, oùla maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian a prononcé un discours devant le monument aux morts, en présence de l’ambassadrice d’Allemagne et des représentants des villes liées à Strasbourg. La cérémonie a commencé par la parole des jeunes desconseils de Strasbourg, Stuttgart et Périgueux qui ont rendu hommage aux libérateurs et aux résistants:"Nous devons toutes et tous, jeunes et moins jeunes, continuer à honorer et transmettre cette mémoire mais aussi l’espoir".
Jeanne Barseghian leur a répondu,promettant de continuer "à nous dresser contre la haine, le racisme, contre l'antisémitisme, contre toutes les discriminations.Nous vous promettons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette mémoire reste vivante, pour qu'elle soit transmise et comprise, pour que vous ayez, vous et vos enfants, comme nous, la chance de grandir dans un monde en paix. Vos rêves sont nos couleurs, notre horizon, notre étendard. Le voilà, notre serment"
"Célébrer la libération de Strasbourg, c’est nous engager à notre tour à préserver ce qui nous constitue", avait écrit la maire de Strasbourg dans un communiqué paru la veille des commémorations, "L’histoire de Strasbourg, de sa Libération, est d’une tout autre nature que celle des autres villes de France. Sa commémoration aussi. Et c’est cette histoire si singulière qui nous donne aujourd’hui, tous ensemble, une responsabilité particulière. 80 ans plus tard, soyons les passeurs et les acteurs de l’Europe de la paix que nous avons eue en héritage."
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